J’ai très mal dormi. Je n’arrêtais pas de penser à mon récit de vie.
– S’il est question de nous, tes frères et sœur, dans ton texte, a dit Les pattes hier soir, j’imagine que tu vas changer nos prénoms, par respect pour notre vie privée, auquel cas j’aimerais m’appeler Bernard.
Je ne suis jamais capable de savoir si mon frère fait des blagues ou non, alors je vérifierai plus tard, advenant que je sois publiée, s’il maintient son choix de prénom fictif.
– Ce serait un livre en bonne et due forme ? Tout d’une pièce qu’on pourrait acheter ? Et non des pages de blogue publiées séparément ?, a voulu vérifier Bibi.
– Bien, écoutez, c’est juste un projet, je ne sais pas comment ça va finir, je ne sais pas si je vais être capable de le mener à terme, et je sais encore moins si mon manuscrit a des chances d’être accepté par une éventuelle maison d’édition !, me suis-je défendue.
En parlant avec eux hier, de tout et de rien, et non de mon projet de récit, il m’est venu à l’esprit qu’un élément important de ma vie d’enfant n’avait pas encore été abordé, dans ma première trentaine de pages. Sachant à quel point cet élément a été au centre de mon imaginaire, je me suis sentie déstabilisée de n’y avoir pas pensé avant.
Une fois couchée, je me suis rendu compte que cet ajout allait m’obliger à retirer un paragraphe et à en modifier un autre, des paragraphes qui ont une fonction clef, qui font le lien entre des étapes de mon développement. Cela m’a découragée. En réalisant que cette omission avait des conséquences, j’ai senti se profiler dans mes neurones une deuxième omission, non moins déterminante. Alors j’ai passé la nuit à jongler avec les mots et ma maudite structure et à me demander comment j’allais m’en sortir !
Je sais qu’une fois atteinte ma neuvième année d’écriture de blogue, dans 21 textes, je vais me sentir moins coincée. En même temps, je dois reconnaître que c’est parfois lorsque je me sens coincée que je suis le plus productive. Michel Legrand affirmait la même chose. Lorsqu’il avait du temps devant lui pour produire une œuvre, il réfléchissait, il recommençait, il se remettait en question, tandis que lorsqu’il devait aboutir dans des délais serrés, il s’en tenait à essentiel, il composait !
Ce n’est pas moi, hier soir, qui ai introduit le sujet de mon récit de vie. C’est Bibi, dont un ami me suit fidèlement depuis qu’il a découvert mon blogue. Quand ils se rencontrent, or ils se sont rencontrés récemment, ils parlent de ce que j’ai écrit, en ce sens que l’ami informe Bibi –qui ne me lit pas– de là où j’en suis.
– Tu veux approfondir la connaissance de toi-même ?, m’a demandé Bibi, tentant de savoir quelle était ma motivation de plonger dans mon passé.
– C’est surtout que je ne suis pas capable d’écrire autre chose que ce qui me concerne, ai-je répondu, un peu piteuse de reconnaître à quel point l’imagination me fait défaut.
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À propos des productions Badouz
Écrire un texte par jour, du lundi au vendredi, pendant dix ans. Cela représente grosso modo 220 jours par année, ou 2 200 textes en dix ans. La numérotation décroissante exprime le compte à rebours. Le dernier texte, Jour 1, est prévu fin avril 2021.