Badouzienne 97

Voici La force du nombre, titre d’autant approprié pour cette toile de 30 po X 53 po que chaque petite masse, à l’origine, fut numérotée. Il y en a 2665 au total. Le résultat, je trouve, est au rendez-vous, mais il m’a fallu patienter quelques années entre la première et la dernière exécutions. Je suis donc passée devant ma toile, suspendue au mur de l’entrée, un nombre incalculable de fois, en ressentant immanquablement une déception allant croissant. Bientôt je ne ressentirai plus rien par rapport à cette toile, ni déception navrante ni satisfaction tardive, car elle est sur le point de se rendre habiter chez mon frère Swiff.

Ce matin, j’ai couvert d’une couche de couleur supplémentaire les graffitis d’une autre toile de grand format, 40 po X 40 po celle-là. Elle risque, la pauvre, de connaître le même triste sort que La force du nombre, c’est-à-dire qu’elle va habiter l’entrée principale de la maison le temps que je trouve la manière de lui procurer son plein potentiel.

Mon tempérament boulimique, ici, me crée des ennuis. Un autre projet, en effet, s’est profilé, et je ne m’y consacre pas sous prétexte de finir d’abord les graffitis. Je n’ai pas la discipline de me consacrer quelques heures à une toile, et quelques heures à une autre, de manière organisée, structurée, planifiée.

Ce nouveau projet a pris naissance lors de l’atelier que j’ai organisé à la maison, la semaine dernière, qui a réuni Bibi, une amie et moi. J’avais sélectionné quatre photos de toiles que nous allions tenter de copier : un portrait de Henri Matisse, un pot de fleurs tiré d’un livre qui enseigne comment peindre à l’aquarelle, un paysage d’Antoine Dumas, et un autre paysage, plus tourmenté, de David Hockney. J’aurais choisi le portrait, quant à moi, mais Bibi ne l’aimait pas. Elle hésitait entre le pot de fleurs et le paysage de Dumas. L’amie nous disant beaucoup aimer le Dumas, nous y sommes allées pour Dumas.

Sa toile s’intitule Les illusions. Elle reproduit le Rocher Percé de manière réaliste. Il se découpe sur un ciel tourmenté dont les mouvements des nuages sont tout sauf réalistes. En ouvrant le livre au hasard, une fois notre atelier terminé –bien entendu–, je suis tombée sur une page qui explicite l’oeuvre, en ce sens que le ciel n’est pas tourmenté pour rien : les nuages évoquent des bateaux, plus précisément une caravelle, un sous-marin, un paquebot ! L’auteur du livre, Roland Bourneuf, qui m’a enseigné à l’Université Laval dans les années quatre-vingt, interprète ainsi la portée de ce tableau : « … [il] allie la représentation réaliste du Rocher Percé au symbole des nuages-navires avec, pour cargaison, nos rêves collectifs. »

Morales de l’histoire : 1. j’ai bien fait d’acheter ce livre sur le peintre Antoine Dumas dans un bazar de sous-sol d’église ! 2. Nous allons, Bibi, l’amie et moi, refaire la copie de la toile en tentant de faire ressortir les bâtiments maritimes dans le ciel !

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Badouzienne 96

Je fais face à un problème majeur. Comme la plateforme WordPress évolue tout le temps, il faudrait que je me déconnecte de mon blogue Badouz pour que soit effectuée une mise à jour, sans laquelle je n’aurai plus accès aux statistiques de fréquentation de mon site. Or, je ne me déconnecte jamais de WordPress. Cela revient à dire que je ne sais pas quel est mon mot de passe, requis lors de la reconnexion. J’en ai noté un, jadis autrefois, dans un carnet où sont consignés les mots de passe de mes différentes applications. Mais est-il encore valide ? Dieu seul le sait. Puis-je vivre sans mes statistiques ? Vais-je oser une déconnexion ? Il me reste quelques heures pour y penser, car la mise en vigueur de cette nouvelle fonctionnalité intégrée, qui a pour nom JetPack, est demain le 8 mars. Si je ne suis plus capable de me reconnecter à mon blogue, qui va pouvoir m’aider ? La dernière fois que j’ai eu besoin d’aide auprès de BMO, je suis restée une heure au téléphone sans que soit solutionné mon problème…

J’ai traité aux petits oignons mon beau taureau, pour ceux qui s’en souviennent. J’ai retracé les lignes noires qui en avaient besoin, modifié la tache de sang, appliqué au doigt quelques touches de violet iridescent pour créer des reflets, et vaporisé un apprêt qui fixe les couleurs. Il habite temporairement derrière un gros aloès, dans un coin déjà surchargé du salon, suspendu au mur. Mon neveu serait peut-être intéressé à l’acquérir. Pour cette raison, je n’ai pas proposé à Emmanuelle l’ajout de cette toile à sa collection, en ce sens que l’appartement de Montréal me sert un peu de galerie –privée– d’exposition.

Je me suis lancée ensuite dans une toile de grand format, 40 po X 40 po, que je désirais couvrir de sortes de graffitis, pour me sentir jeune, moderne, de mon temps, dynamique. Malheureusement, je m’y suis prise à l’ancienne, traçant des lignes verticales et horizontales sur la surface afin d’obtenir des carrés uniformes que je comptais remplir. Les lignes tracées avec un crayon de pastel blanc, que je peux effacer, ont laissé des traces sur la couleur orangée du fond. J’y suis donc allée pour la poursuite des pseudos graffitis sans lignes délimitant mes compartiments. Cela donne le résultat suivant : un début de toile avec des graffitis bien espacés, qui deviennent de moins en moins espacés les uns des autres. En outre, je serais bien en peine d’expliquer comment ça se fait que la première rangée du côté gauche contient 17 graffitis (au lieu de 20 initialement), et comment ça se fait que la dernière rangée, du côté droit, n’en contient que 16. Moi qui ai passé le temps que j’ai consacré à cette toile à compter et recompter ! Deux solutions s’offrent à moi : bien compartimenter ma surface pour un prochain projet semblable, ou laisser les graffitis couvrir la toile sans vouloir au préalable en gérer l’espace, cette deuxième option étant, on le sait tous, celle qui aurait dû prévaloir dès le début. Ce n’est pas grave. Je prends plaisir à fréquenter mes idéogrammes badouziens qui attendent une deuxième couche, voire une troisième.

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Badouzienne 95

Si au moins je savais dès le départ que je veux reproduire un taureau, ça me prendrait moins de temps et ça me coûterait moins cher d’acrylique ! Il y a trois sujets en-dessous, que j’ai présentés dans mes badouziennes précédentes, dans un certain désordre. Je n’y reviendrai pas.

C’est en me brossant les dents et en ayant la toile dans mon champ de vision, en oblique, que j’ai enfin su ce que je voulais faire de mes sempiternelles masses. Colorier des masses pour colorier des masses, c’est un peu navrant. Colorier des masses et obtenir un sujet qui me fait penser à Picasso, c’est nettement mieux !

À la droite des naseaux, j’ai appliqué une tache de rouge pour évoquer le sang soit du toréador, soit de la bête, soit les deux, mais ça faisait macabre, trop marqué, trop peu subtil. Alors j’ai appliqué du jaune pour camoufler la surface de rouge, dans un mouvement circulaire qui n’est pas idéal. La tache de sang en haut, à gauche, est plus réussie. Heureusement, je suis capable de vivre avec une tache réussie et une moins réussie.

Je me demande si je devrais créer une imitation de poils dans les oreilles, mais si je me lance là-dedans, faudrait-il que j’imite le poil partout sur la tête de l’animal ? Bien sûr que non, je fais ce que je veux, j’invente, mais je vais continuer d’y penser. Vite fait, ça me semble une mauvaise idée.

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Badouzienne 94

Voici où j’en suis aujourd’hui. J’en suis à avoir fait le contraire de ce que j’ai affirmé hier. J’ai retravaillé la toile surchargée de boucles obtenues avec du vernis à ongles.
– Tiens, tu as fait trois masses, m’a dit mon mari lorsque je lui ai montré la toile tout à l’heure.
Il commence à avoir l’habitude de mon vocabulaire. Il me semble qu’il n’aurait jamais dit ça, « trois masses », lorsque nous nous sommes connus il y a plus de huit ans !
Bien entendu, on peut voir un schtroumpf à gauche avec son bonnet bleu, un oiseau au centre en faisant preuve d’imagination…
Écrivant ces lignes, je me demande si je ne devrais pas ajouter une touche de jaune ou d’orange vif pour égayer/réveiller/énergiser l’ensemble. Mais, prudente, je n’ajouterai rien pour le moment. Hier, la toile a été présentée en mode portrait, la voilà aujourd’hui qui se déploie en mode paysage.

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Badouzienne 93

Idem avec la toile ci-contre. Je ne vois pas ce que je peux lui apporter pour l’améliorer. Pourquoi est-ce que je ressens le besoin de l’améliorer ? Hum. Le vocabulaire me manque. Le premier mot qui me vient est « niaiseuse ». Je trouve cette toile niaiseuse, insignifiante, d’une composition digne d’une enfant de huit ans. Qu’est-ce qu’on y voit, en fait ? Une femme dont la tête est cachée par les nuages, à droite. Elle se tient le bras appuyé sur la hanche. On distingue bien ses pieds chaussés de bottines brun foncé. À ses côtés se devine une espèce de dindon géant. Les deux personnages marchent sur un chemin pavé le long d’une clôture de bois.

Je devrais apprendre, à bientôt 64 ans, à ne pas déprécier autant mes réalisations. Il me semble que je les déprécie pour mieux avancer. Je pourrais tenter d’avancer avec un peu plus d’optimisme et de bienveillance envers moi-même.

Je n’arrive pas à sortir de cette facture picturale fort enfantine, d’une naïveté inouïe. Je pourrais approcher la prochaine toile en tentant d’y aller le plus à fond possible dans la naïveté, cela me ferait peut-être passer à une autre étape. Je pourrais aussi peindre sans espérer un résultat, barioler en masse, installer le désordre et évaluer ensuite si je peux vivre avec le désordre obtenu. Le plus souvent, le besoin d’ordonner prend le dessus, à coup de petites lignes et de masses sages.

Une chose est sûre, j’évalue comme étant inférieure aux autres une toile organisée, propre et gentille, aux couleurs dites de pastel. Je devrais interpréter les choses autrement : cette toile fait partie de mon parcours, elle en est un chaînon, et ce dernier me lie à une autre toile à venir qui va peut-être m’amener ailleurs. Ou encore cette toile est une étude (sur les nuances pastel !). Ou une détente entre deux temps forts, comme on se détend en faisant des sudoku.

Je viens donc de décider aujourd’hui que ces deux toiles ne seront pas retouchées, du moins pas maintenant, contrairement au projet qui m’habitait de les rendre plus attrayantes, moins déficientes. La prochaine toile que je voudrais améliorer est de grand format et couverte d’une grosse grappe de raisins. Je ne pourrai pas m’y mettre demain car je sors rencontrer une amie. Peut-être mardi. Certainement pas mercredi car j’ai un rendez-vous à Joliette pour un traitement en ostéopathie. Le lendemain nous amène déjà au 2 mars. Il ne restera alors que dix-huit jours avant l’arrivée du printemps, survenant le 20 mars cette année semble-t-il. Et le tome III qui attend que je m’y mette avant l’été…

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Badouzienne 92

J’ai cherché vainement une manière d’améliorer cette toile. Il y a d’abord la masse noire longiligne, à droite, qui m’énerve. Elle va peut-être recevoir tout à l’heure, quand j’aurai écrit ce texte, une couche d’une belle couleur taupe. C’est ma couleur préférée, je dirais, le taupe.

La toile a vécu quelque deux ans sur un mur de l’entrée principale de la maison, dans sa version originale sur fond blanc, autrement dit sur le canevas non couvert de couleur. On discernait sur ce fond blanc un foetus, un personnage replié sur lui-même en « petit bonhomme »…

Avant d’aller plus loin, je précise que j’ai fait couler du vernis à ongle sur cette toile. Ce fut le point de départ. Le vernis, juste assez épais, coule en créant sur la toile une belle ligne fine, sans flaque ni éclaboussure. J’ai fait des mouvements de la main pour obtenir que les lignes deviennent des boucles. J’ai utilisé deux ou trois couleurs de vernis. Dans les formes obtenues par le croisement des lignes, et fidèle à mon incontournable habitude, j’ai appliqué de la couleur. Des couleurs de terre, du bleu, du vert, du rouge vin, un rouge rosâtre…

Récemment, j’ai couvert le fond blanc d’une sorte de vert forêt, en incluant les côtés, qui n’apparaissent pas sur la photo. L’ajout de cette couleur dynamise un peu l’ensemble. J’ai aussi pensé que si plus de vert ayant servi à couvrir le fond venait aussi couvrir quelques formes intérieures, j’obtiendrais deux ou trois masses séparées les unes des autres. Cette séparation procurerait peut-être un effet de respiration.

Mais plus j’y pense, plus j’observe, plus je passe devant la toile et plus je cherche, plus je comprends qu’il n’y a rien à faire qui apportera une réelle différence. Je pourrais obtenir peut-être un 21% d’amélioration si je séparais les masses, si je les changeais de couleur, si encore je faisais ressortir une forme quelconque par des lignes de contour. Il est presque toujours possible, selon mon expérience, de faire ressortir un personnage d’un ensemble de masses, et j’entrevois aussi la possibilité d’une botte quand j’observe le bout rose arrondi de la partie inférieure.

J’interprète positivement cette abdication de recherche. J’ai fait ça plusieurs fois, créer une représentation figurative en regroupant, par un trait de contour, quelques masses de leur ensemble. J’ai aussi suspendu plusieurs fois au format portrait une toile que je pensais devoir se lire au format paysage. J’ai fait plusieurs études selon lesquelles j’explorais les gradations de nuances, ou les effets d’un fond pâle et à l’inverse d’un fond foncé.

Il est temps, donc, que je passe à autre chose, que je cesse de porter les mêmes pantoufles confortables. Je pourrais me mettre au pastel sec, j’en ai une boîte non entamée qui n’attend que ma visite. Je pourrais aller vers les matériaux mixtes. Je pourrais consacrer plus de temps à mon Tome III, auquel j’ai quand même nettement amélioré les soixante-dix premières pages. Je pourrais poursuivre l’acrylique en allant au-delà de mon attrait pour les petites masses…

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Badouzienne 91

Avant

Voici l’avant. Nous étions je crois l’été dernier. Je montrais à un ami quelques photos de mes toiles enregistrées sur mon téléphone. Il peint aussi, alors nous partagions quelques-unes de nos nouveautés.
– C’est une représentation de la fée clochettes, avais-je précisé. La vois-tu ? Tu sais, un des personnages des aventures de Peter Pan ?
– Hum… je ne vois pas trop.
– Elle est ici, en noir, avais-je montré du doigt. Elle a des bras et des jambes surdimensionnées.
– Peut-être… En tout cas je te suggère de ne rien ajouter. C’est déjà chargé avec ces papiers imprimés.
– Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter, avais-je répliqué, déplorant intérieurement que la toile ne me plaise pas plus que ça.

Dans ma vaste entreprise récente d’amélioration de mes peintures et de mes textes, j’ai retiré du mur cette version avant et l’ai déposée sur ma table, dans mon bureau. Je me suis tenue devant, plusieurs fois, toujours incapable de trouver une manière de la rendre plus vivante.

Après

Hier soir mercredi, l’idée est venue caresser mon esprit : laisser des coeurs sortir de la bouche de mon personnage, là où s’entrouvrent les lèvres. D’une chose à l’autre, j’ai ajouté un cou, et un chapeau duquel j’ai laissé pendre une fleur. Je n’ai pas du tout réfléchi quant aux couleurs, j’ai pris quelques restants qui étaient sur le point de sécher même s’ils étaient couverts d’un film plastique.

Ce n’est pas la première fois que je verse des restants de couleurs sur une toile en faisant en sorte qu’il se crée une forme circulaire de laquelle je deviens plus ou moins prisonnière. Que faire avec une forme circulaire refermée sur elle-même ? Un arrière-plan qui imite une tapisserie, un quelconque imprimé ?

J’aime que la tête soit dorénavant assortie d’un cou, et j’aime que le chapeau, sa fleur et les coeurs viennent égayer l’ensemble. Je pourrais toujours ajouter d’autres coeurs, mais cela ne me semble pas nécessaire. Je ne sais pas si je désire intituler ma toile Valentin, ou Le langage du coeur, ou La fée clochettes qui est toujours là, intacte.

Je constate, une fois de plus, que la touche Longpré réside dans des apports enfantins, naïfs, colorés.

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