
Avant d’affronter l’envers du décor, je vais défaire la partie hétéronormative gondolante –on se croirait à Venise.
Mes histoires de réopération me plongent dans le passé. C’est ma spécialité, tout le monde le sait, macérer dans les eaux délicieuses de mes bons et de mes moins bons coups d’autrefois. Dans cette optique, j’ai retrouvé les coordonnées de la dame qui avait passé la coronarographie en même temps que moi, en 2013, et qui a séjourné à l’hôpital en même temps également, ayant reçu son opération au lendemain de la mienne. La vie étant ce qu’elle est, c’est-à-dire propice à éloigner les gens tellement on manque de temps, ça faisait cinq ans que je l’avais laissée sans nouvelles. Or, elle m’a reconnue tout de suite au téléphone, me disant même qu’à chaque fois qu’elle se rendait voir son amie qui habite non loin de la station de métro Villa-Maria, elle pensait à moi. Son cœur va très bien, elle se porte à merveille. Elle n’avait pas reçu une opération à cœur ouvert, la chanceuse, les cardiologues avaient pu lui régler son cas par la veine fémorale. Je lui ai demandé si elle accepterait de passer me visiter au CHUM et elle m’a dit que ça lui ferait grand plaisir. Cela fait, une fois réglés ces détails et ces civilités, nous avons parlé de tout et de rien, comme quoi la vie continue. Elle continue tant et si bien que ce matin je n’ai pas arrêté de bouger. J’ai tenté de « me débarrasser » des petites choses qui créent un poids sur mes épaules à chaque fois que m’effleure la pensée qu’elles ne sont pas encore faites. Je m’en suis débarrassé tout en les effectuant de mon mieux, je dois dire. Par exemple, j’ai sélectionné les plus belles photos de ma série de vaches pour les installer dans un cadre IKEA à cinq compartiments de format 5"X7". Exceptionnellement, je ne me suis pas cassé la tête pour décider où irait le cadre, une portion de mur abîmé était toute désignée pour me faciliter la tâche. J’ai bougé et fait ces choses qui me pesaient en n’arrêtant pas de replacer mes lunettes qui, depuis hier en fin de journée, m’arrachent le derrière de l’oreille gauche. Il se trouve qu’en rentrant d’avoir jardiné et joué dans les roches, j’étais tellement envahie par les mouches noires, sur et sous mes vêtements, que je me suis déshabillée presque en hurlant d’inconfort, toute seule dans la maison. Les chaussures, le pantalon, le chandail, le t-shirt se sont fait lancer de toutes mes forces et dans la puissance de mon exaspération mes lunettes sont tombées sur les tuiles de céramique et ne s’en sont pas sorties indemnes. Il faudrait donc que je me rende un peu d’avance à Joliette, tout à l’heure, pour faire ajuster mes lunettes avant d’aller nourrir papa, mais je sais que ça ne me tentera pas de quitter mon nouveau lieu de vie, la véranda. Cela dit, après l’exaspération, la douche et l’application de la lotion calamine, j’ai tricoté dans ladite fabuleuse véranda entourée de maringouins qui tournaillaient dans le rai lumineux de ma lampe. Au secours !