
L’image se lit à la verticale.
Une patronne, du temps que je travaillais à l’UQÀM, était sortie de son bureau pour nous annoncer qu’elle venait d’acheter une voiture par téléphone, sans l’avoir vue et bien entendu essayée. C’était bien avant les achats par Internet, j’étais dans la vingtaine à l’époque.
J’ai fait un peu pareil aujourd’hui mais à moindres frais. J’ai téléphoné à mon contact ami au magasin Cadrimage. Je lui ai demandé de faire imprimer un fichier que je lui ai envoyé par courriel il y a quelque temps, il s’agit de la photo du lac Miroir.
– J’aimerais faire imprimer la photo que nous avons travaillée ensemble, ai-je commencé après les préliminaires d’usage quant à la météo qui nous gâte mais qui devrait changer à partir de mercredi.
– Laquelle ?, a-t-il répondu. Nous en avons travaillé plusieurs quand tu es venue la dernière fois.
– Celle du lac et de son reflet dans l’eau.
– D’accord, attends un peu je vais ouvrir le fichier. Bouge pas, ça s’en vient, mon ordi est un peu lent ces derniers temps.
– Je ne bouge pas, je suis bien assise, dehors, sur la terrasse.
– OK, le fichier est ouvert.
– Alors, j’aimerais te demander de le modifier pour obtenir un ratio de 1/3.
– Actuellement, tu as un ratio de 1/2, a-t-il voulu s’assurer.
– Justement, je voudrais te demander d’étirer la photo pour qu’elle se donne à voir plus longue qu’en réalité, sans en modifier la largeur.
– Donc, de 12"X24", tu voudrais passer à 12"X36" ?, a-t-il exprimé d’une voix qui trahissait sa surprise.
– Exactement, et si tu pouvais choisir le cadre, un cadre pas trop cher, soldé si possible.
– Euh…, quelle couleur le cadre ? Noir ? Choisir le cadre, tu ne voudrais pas
– Excuse-moi, j’oubliais le principal, l’ai-je interrompu. La photo doit se lire au format portrait, et non paysage. Et pour créer un équilibre, peux-tu faire en sorte que les deux masses bleues, celle du ciel et celle de l’eau, soient de même largeur ?
– Wow !, s’est-il exclamé après quelques secondes de silence au téléphone, pendant lesquelles je l’entendais cliquer sur sa souris.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– C’est super l’idée d’étirer le sujet, ça crée tout un contraste, tu vas aimer ça !
– Tu t’occupes du cadre ?, ai-je demandé. Noir ou d’une autre couleur, mais pas doré.
– Doré, c’est sûr que je ne choisirais pas ça. J’en ai un qui ressemble à la couleur du laiton, c’est beau, et il n’est pas trop cher.
– OK ! Je te laisse aussi choisir le type de papier.
– Du papier régulier fera l’affaire.
– Entendu ! Merci ! Je te rappelle dans quelques jours pour savoir si c’est arrivé de l’imprimerie.
Je n’ai pas demandé le prix. Et je n’ai pas demandé quel type de vitre il comptait installer sur le cadre. Il va peut-être aller vers une vitre anti-reflet qui coûte plus cher qu’une vitre régulière.
Je voulais au départ faire imprimer la photo sur un papier poreux, sans l’encadrer, pour pouvoir la modifier au crayon. Il y a, à la ligne de rencontre de l’image et de son reflet, des mini cercles noirs qui m’attirent comme autant d’orifices. Un orifice en particulier, situé à mi-hauteur, serait avantageusement transformé moyennant les quelques lignes nécessaires qui évoqueraient une forme oblongue, que je garnirais de lignes noires frisottées mais pas trop… jusqu’à obtenir une réinterprétation de L’origine du monde, de Courbet, rien de moins.
Mais comme mon imagination dépasse de beaucoup mes capacités de dessinatrice, je me suis ravisée et j’ai opté pour un encadrement en bonne et due forme.
J’imagine qu’on pourrait entendre cette forêt. La réflexion fait que ça ressemble beaucoup à une onde sonore telle qu’affichée par les logiciels d’édition audio. En alternant entre le haut et le bas (ou la gauche et la droite de l’image), tout en se déplaçant plus lentement d’une extrémité à l’autre dans le sens de la ligne centrale, on pourrait convertir l’image en sons. Ce serait assez « chargé ». Peut-être un bruit semblable à celui émis par le Soleil.
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Mon ami poète…
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