
Fanny Ardant et Jean-Louis Trintignant
J’ai dit quelque chose que je ne dis jamais. J’étais chez Bibi, ma confidente depuis toujours.
– Je me suis trouvée vraiment bonne, ai-je dit, à propos d’une situation délicate que j’ai parfaitement maîtrisée.
Je m’exclame souvent que je suis bonne, quand je trouve par exemple le nom d’un groupe de musique. Cherche, cherche, puis brusquement ça se prononce tout seul dans ma tête : Fleetwood Mac ! Nous étions cette fois-là dans la cuisine chez Emma, Denauzier et moi. Le nom du groupe est sorti de lui-même de ma bouche, c’était en plein le nom qu’on cherchait, je n’en suis pas revenue.
Plus récemment, c’était Fanny Ardant. J’étais avec les invités de notre ami voisin, on parlait des accents car les invités trouvaient que j’avais un accent. Tout le monde trouve que j’ai un accent, depuis tout le temps, mais je fais chaque fois comme si ce n’était pas vrai, je n’ai pas d’accent. Ou alors je minimise et je puise dans mon florilège de variations sur le thème de la négation d’un quelconque accent.
– Pourtant non, je n’ai pas d’accent, dis-je.
Et j’enchaîne :
– C’est comme l’actrice française qui a une drôle de manière de prononcer, on dirait qu’elle vient d’un autre pays, peut-être germanique. Pourtant elle est française. Vous savez ? Une grande, mince, brune, elle a joué dans Vivement dimanche !, de Truffaut, avec Jean-Louis Trintignant ?
– Une grande avec Jean-François Truffaut ? Ça ne nous dit rien…
Puis, quelques secondes plus tard, on est déjà en train de parler d’autre chose, je lance, très fière de moi :
– Fanny Ardant !
Et j’ajoute, c’est immanquable :
– Je suis bonne de l’avoir trouvé !
Mais dire, sans fausse modestie, sans vouloir me donner un style, de manière neutre comme quand on dit d’un chat qu’il est gris, que je me suis trouvée bonne d’avoir maîtrisé une situation délicate, c’est du jamais vu, jamais entendu.
Autrefois, je me dénigrais excessivement pour un oui ou pour un non. La différence dans l’acceptation de ma personne est tellement frappante, quarante ans plus tard, que j’en fais le centre du texte d’aujourd’hui.