Certains jours je me dis que j’aimerais être journaliste parce que je saurais au moins quel sujet doit couvrir le texte que je m’apprête à écrire. Mon oncle l’était, journaliste, celui qui est décédé en laissant sa veuve bien démunie, et avec laquelle je fais les plus belles sorties gastronomiques au restaurant Kenny à Rawdon, sur une base hebdomadaire. Tous mes lecteurs savent que nos sorties gastronomiques sont suivies de courses alimentaires que nous faisons au IGA. C’était spécial cette semaine parce que tantine faisait ses courses en fonction de la venue ce week-end d’un couple d’amis. Elle a donc acheté plus qu’à l’ordinaire, guidée en cela par moi qui lui proposais ceci et cela. À chaque ceci et cela, tantine me demandait pourquoi est-ce que je les lui proposais, parce que d’habitude je ne lui propose rien, et je lui répondais que c’était pour ses invités.
Il était question d’invités, dans mon rêve de la nuit dernière, dont je me rappelle vaguement. Je devais héberger des gens, un couple, et je me rendais compte qu’il allait nous manquer une chambre. J’en parlais à Denauzier, mais Denauzier dans mon rêve était Jacques-Yvan. Par une entourloupette que je m’explique mal, Jacques-Yvan et moi décidions d’un commun accord qu’il me suffisait d’acheter une nouvelle propriété pour héberger les amis. Je trouvais l’idée quand même bonne et, aussitôt dit aussitôt fait, je me retrouvais miraculeusement propriétaire d’une nouvelle maison à Montréal. Une fois la transaction signée, cependant, je me demandais avec un certain effroi où est-ce que j’allais passer la nuit, comme si ma récente acquisition faisait en sorte que je n’avais plus d’endroit où vivre.
– Je pourrais demander à Jacques-Yvan de me vendre un étage de son duplex !, m’exclamais-je comme si j’énonçais l’idée du siècle.
Sur ces mots, je me rendais frapper à sa porte pour lui faire part de mon idée géniale, mais plutôt que d’esquisser un sourire, sa bouche esquissait une moue presque de dédain.
– Où vais-je dormir, alors ?, me demandais-je en quittant sa galerie et me dirigeant vers le trottoir.
– Chez moi !, me répondait une voix, une voix à laquelle ne correspondait aucun corps physique. Une voix comme une hallucination sonore, si on peut dire ça comme ça.
– Qui peut bien me proposer un hébergement pour la nuit ?, me demandais-je. S’agit-il d’un hébergement en ville ou à la campagne ?, me disais-je aussi, espérant qu’il s’agissait d’un hébergement pas trop loin parce que je n’avais pas envie de conduire ma voiture.
Je nommais dans ma tête toutes les personnes que je connaissais et je n’arrivais pas à en trouver une qui aurait pu m’héberger –ou m’offrir de m’héberger.
– Bof !, finissais-je par me répondre. Je suis comme la cigale, pas prévoyante pour une cenne, pas prudente, pas réfléchie. Je n’ai qu’à assumer, sans me flageller.
J’essayais alors de marcher en direction de la rue commerçante comme si j’assumais mes imprévoyances, mais cela me demandait tout mon p’tit change. Je revenais sans cesse au fait que je ne savais pas où passer la nuit et que la noirceur commençait justement à envelopper la ville.
– Je pourrais me hisser sur la plus haute branche d’un arbre, me disais-je en atteignant la rue commerçante qui était bordée de beaux grands érables. Je bénéficierais de la lumière des lampadaires –parce que j’ai peur du noir– et d’une bonne branche confortable pour roupiller.
– Et ta sœur ?!, entendais-je à nouveau dans ma tête, dans le sens de la locution chère aux Français quand quelque chose les irrite, et dans le sens véritable de ma sœur car son visage, rajeuni de trente ans et peut-être un peu bouffi, se manifestait à mon esprit.
– C’est trop compliqué ces transactions, ces maisons, ces sœurs. Je monte me coucher, me disais-je alors, déterminée à ne pas me laisser déstabiliser, et cherchant la meilleure manière de m’agripper au tronc de l’érable que j’avais choisi.
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À propos des productions Badouz
Écrire un texte par jour, du lundi au vendredi, pendant dix ans. Cela représente grosso modo 220 jours par année, ou 2 200 textes en dix ans. La numérotation décroissante exprime le compte à rebours. Le dernier texte, Jour 1, est prévu fin avril 2021.
😉
… et ta soeur? C’est son anniversaire !
bon weekend ma chouette!
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On l’a fêtée le 19 !
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