
Key Lime Pie, je l’ai servie avec un saupoudrage non de zeste mais de sucre de noix de coco.
Je n’avais pas envie d’écrire hier, alors je n’ai pas écrit. Il m’arrive souvent de ne pas savoir quoi écrire. Je m’installe devant mon ordi, je fixe l’écran blanc qui attend des lettres noires, et assez souvent un filon se présente que j’exploite pour en faire quelque cinq cents mots. Mais hier je n’avais pas envie d’essayer, d’attendre le filon, d’être patiente. Il y a du relâchement dans ma discipline de fer.
Je suis venue m’installer devant mon ordi à plusieurs reprises par nécessité. Nous sommes cinq personnes à nous envoyer des courriels ces derniers jours en rapport avec des travaux qui doivent être faits aux duplex à Montréal. Il nous fallait décider de la manière dont nous allions nous coordonner pour demander un permis à la Ville et choisir un entrepreneur et tout le tralala. Je suis venue donner mon avis et répondre à des propositions régulièrement au cours de la journée, mais je ne suis pas restée assise pour écrire. Puis il a été décidé que nous allions nous rencontrer, les propriétaires concernés, ce soir vendredi à 17 heures, pour nous y retrouver un peu. La formule questions réponses à travers des courriels, en effet, n’est pas facile à suivre, surtout quand une partie des explications est transmise par des joueurs ni francophones ni anglophones. Je n’écris pas ça pour critiquer, j’adore –et je m’ennuie de; et je me sens nourrie par;– la multiethnicité de mon ancienne ville. Toujours est-il qu’une fois le rendez-vous fixé, je suis venue moins souvent à mon ordi, sinon que pour y lire la recette d’une tarte à la lime, recette que j’aurais pu imprimer et aimanter à la porte du frigo pour plus de commodité, mais j’ai préféré, cela m’arrive souvent, ne pas m’accommoder de la commodité.
J’aime particulièrement le point 1.7, de la soumission de l’entrepreneur italien, qui se lit comme suit : installer couche de gravié pour entrer principal existantes et placer. Les deux derniers mots « et placer » arrivent sans qu’on s’y attende, ils installent à eux seuls une rafraîchissante poésie. Ils me font penser à la période pendant laquelle ma sœur et moi parlions en inversant l’ordre des mots, quand nous étions jeunes, juste pour énerver notre pauvre mère :
– Maman, queue de cheval ma faire veux-tu me ?
Il y avait un rythme dans cette jolie tournure, qui pourrait se transcrire ainsi :
– Maman | queue de cheval ma | faire veux-tu me ?
Il va falloir que je demande à Bibi si elle se rappelle de cet épisode de notre enfance.
Parlant de Bibi, j’ai commencé hier soir au lit la lecture du Très-Bas pour hausser un peu mon niveau de connaissances et ajouter une touche de noble culture théologique à mes préoccupations matérielles. Je retrouve chez Bobin le goût de la formule répétitive qui est à mon sens une des caractéristiques de l’écriture de Joan Didion. Et comme je suis influençable, je suis la première à utiliser les formules répétitives depuis que j’ai lu deux romans de Joan Didion l’hiver dernier.
J’ouvre au hasard Le bleu de la nuit, de J.D. :
Si nous et nos enfants étions capables d’avoir chacun de l’autre une vision claire, la peur s’en irait-elle ? La peur s’en irait-elle pour nous deux, ou la peur ne s’en irait-elle que pour moi ?
La première page du Très-Bas, maintenant :
C’est une phrase qui est dans la Bible. C’est une phrase du livre de Tobie, dans la Bible. La Bible est un livre qui est fait de beaucoup de livres…
Un texte de mon blogue dont je tape un numéro au hasard avec l’outil de recherche, Jour 943 :
J’ai encore deux heures à ma disposition. Deux heures de bonheur. Deux heures de bonheur seule dans la grande maison à la campagne. Pas deux heures de bonheur parce que je suis seule…
D’où il ressort, bien entendu, que je fais la fraîche-pette en me frottant aux plus grands.
Tarte à la lime : les Pattes est venu en manger un morceau en soirée déjà avancée. Ce fut la réussite de ma journée, mais c’est long à faire, il faut gratter longtemps l’écorce des limes pour obtenir une cuillerée à table comble de zeste. Et gratter pour obtenir le zeste c’est forçant. J’ai servi la tarte en informant mon frère qu’il y avait deux ingrédients mystères dans ma recette. Comme il lui aurait été impossible de trouver de quels ingrédients il s’agissait, je ne l’ai pas laissé chercher. La cuisine n’est pas un domaine dans lequel il excelle. Le premier ingrédient mystère est du sucre de noix de coco pour décorer la couche de crème fouettée. Je l’ai acheté dans une petite boutique bio de mon village. C’est un sucre brun de la couleur de la cassonade foncée. Délicieux. Le deuxième ingrédient mystère est du yaourt à la noix de coco, en petite quantité, mélangé à la crème fouettée. Je l’ai acheté hier au Métro d’alimentation de mon village, en compagnie de mon mari. Pour vous dire à quel point mon frère n’y connait rien en cuisine, il a pensé que le saupoudrage brun sur la crème fouettée était de la cannelle !