Jour 795

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Trottinette de fin de vie.

Cette nuit, le visage sérieux, sûre de moi, me présentant bien coiffée, bien habillée, j’expliquais à une maman dont l’enfant se cachait derrière sa jupe que tout était en place pour le concert de fin d’année des petits qui avaient été mes élèves. J’étais professeure de musique. Assise à l’entrée de la salle comme si j’y vendais des billets, j’affirmais à la maman, qui se tenait debout, que la cérémonie allait bientôt commencer. D’ailleurs, ajoutais-je, l’accompagnateur allait arriver dans les prochaines minutes. En entendant sortir de ma bouche le mot accompagnateur, je me rendais compte qu’il n’était pas nécessaire d’en avoir un puisque chaque enfant jouait de son instrument en solo, un solo de moins d’une minute. La maman, qui me regardait d’abord avec un peu de méfiance, comme si elle soupçonnait que je n’étais pas bonne professeure, me regardait alors, au son du mot accompagnateur, avec une mauvaise humeur non feinte. Une fois de plus, comme d’habitude et c’est l’histoire de ma vie éveillée, je ne savais pas où j’en étais. Avais-je demandé à l’accompagnateur de se présenter, ou n’avais-je que pensé le lui demander, réalisant après coup que ce n’était pas nécessaire qu’il se présente ? Mystère et boule de gomme.
Je constate dans ce rêve qu’il y est encore question de musique, comme dans celui d’hier autour du clavecin, quoique dans ce plus récent rêve, l’histoire ne se prolongeait pas au-delà de mon incommensurable sentiment d’incompétence. Refermant la bouche sur la mention de l’accompagnateur, je me recroquevillais en-dedans de moi-même, n’osant plus regarder la maman qui avait raison de me trouver épaisse, poche, pas à mon affaire, pas débrouillarde, pas digne de m’occuper de son fils l’an prochain, ça c’est sûr. Et ça s’arrêtait là.
Hier, pendant quinze minutes, je me suis occupée de papa. Je n’ai pas eu grand-chose à faire et ce que j’ai eu à faire je ne l’ai pas fait avec grande compétence, mais je ne me suis pas sentie poche ni épaisse, je me suis sentie nourrie par la vibration ténue qui se crée encore entre papa et moi quand je suis en sa présence. Donc, j’étais joyeuse et énergique. J’essayais de faire passer papa d’une chaise de table, où il avait bu un café en ma compagnie, au siège de son déambulateur. Ses jambes refusaient de lui obéir et il n’arrivait pas à déposer ses pieds sur le plancher. Au final, mon mari, ma sœur et peut-être même le mari de ma sœur avons réussi à quatre l’exploit de son déplacement. Travail d’équipe.
– Le pire, a dit papa après avoir avalé sa dernière gorgée de café, sur le ton d’un constat et non d’une désolation, c’est que je ne suis pas mort !
Quand il s’est trouvé assis sur le déambulateur, prêt à se faire pousser dans une autre pièce par Bibi, il nous a servi une perle, du moins m’a-t-il servi une perle à moi car j’ai été la seule à sourire :
– Une trottinette, a-t-il dit à propos de son déambulateur, alors que Bibi peinait à passer par-dessus le seuil d’un demi-centimètre d’épaisseur qui sépare la cuisine de la salle à manger, une trottinette, donc, a-t-il dit encore une fois sur le ton du simple constat, ça marche seulement quand ç’a du temps de reste.
J’en ai eu des frissons de plaisir.

À propos de Badouz

Certains prononcent Badouze, mais je prononce Badou. C'est un surnom qui m'a été donné par un être cher, quand je vivais en France.
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Une réponse à Jour 795

  1. Moi dit :

    J’aime bien son commentaire sur les trottinettes moi aussi!

    J’aime

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