Donc, en motoneige, j’accumule 10 000 pas sans en avoir fait un seul. Ça me procure une journée de repos sans faire baisser mes statistiques. J’ai découvert aussi que si j’essaie d’enlever une tache coriace sur le comptoir en frottant comme une bonne avec le torchon, j’accumule aussi des pas sans avoir à marcher. Il faut, pour tricher de cette façon, que j’utilise la main gauche, puisque je porte mon bracelet Fitbit au bras gauche. Si je frotte comme une bonne de la main droite, je perds mon temps, en matière de tricherie, on s’entend.
Hier matin en allant faire l’épicerie, j’ai découvert que le phénomène contraire est aussi possible, malheureusement. De tous les pas que j’ai faits dans le Métro d’alimentation, aucun ne s’est enregistré sur mon bracelet puisque je poussais le panier de mes deux bras. Sans le balancement des bras, il semble que le nombre de pas ne s’enregistre pas. J’en ai été quitte pour marcher plus longtemps dehors, en après-midi. Je suis revenue de ma promenade avec un total de quelque 9 100 pas. Je me suis dit que j’allais faire le restant dans la maison, quitte à monter et descendre les étages pour rien. J’y suis arrivée, mais de peine et de misère, et aujourd’hui, je suis pas mal fatiguée.
– C’est comme tes histoires de tricot, m’a écrit une amie avant-hier. Tu reviens trop souvent sur le Fitbit, change de disque !
J’ai interprété son message de manière constructive. Si mon amie se souvient que j’ai beaucoup exploité le thème du tricot, du temps que j’ai suivi mes cours à l’université avec Oscarine, ça veut dire qu’elle me lit quand même assidûment et que, encore mieux, elle se rappelle de ce qu’elle lit. C’est déjà pas mal. Ça veut dire aussi qu’elle me veut du bien, elle ne veut pas que je perde mes lecteurs. J’ai été un peu piquée par l’expression « change de disque », je l’avoue, mais les picotements n’ont duré qu’un instant.
Je dois reconnaître d’ailleurs que ce n’est pas la première fois qu’une personne bien intentionnée me suggère de changer de disque. Quand je me suis lancée dans un chassé-croisé de personnages russes dont les noms et prénoms se terminaient sur le son « ov », Yvanov, Sergiov, Yourmanov…, deux amies m’ont exprimé qu’avec la meilleure volonté du monde, le lecteur n’y comprenait plus rien. Ou encore, quand j’ai présenté mes 26 toiles, à l’occasion de mon premier vernissage, toiles qui avaient un titre commençant par chacune des lettres de l’alphabet, et titres qui se terminaient tous par le son « é », je me rappelle avoir comparé le visage d’un personnage à une pomme de terre de l’Île-du-Prince-Édouard. Ce texte ne comptera probablement pas au nombre de mes plus réussis. Cette toile n’existe plus, cela dit en passant, j’ai peint par-dessus mon autoportrait, en photo-vedette ci-dessus, où j’apparais en parka avec capuchon poilu.
C’est donc dans la perspective d’un certain ménage à faire de tout ce fatras de textes accumulés que je me réserve deux mois d’interruption, en mars et en avril prochains. J’aurai deux mois pour regrouper et corriger les textes de ma première année d’écriture, c’était en 2011-2012. Comment vais-je réussir à passer à travers les textes des cinq autres années d’écriture déjà réalisées ? Et à travers les textes des quatre prochaines années non entamées ?
– C’est impossible !, s’est exclamé mon mari, me voyant tourner le gros tas de pages d’un de mes six cartables.
– On verra, ai-je répondu, incapable d’évaluer moi-même si c’est possible ou impossible.
Une chose est sûre, et comme pour tout le reste, je vais essayer.