Badouzienne 95

Si au moins je savais dès le départ que je veux reproduire un taureau, ça me prendrait moins de temps et ça me coûterait moins cher d’acrylique ! Il y a trois sujets en-dessous, que j’ai présentés dans mes badouziennes précédentes, dans un certain désordre. Je n’y reviendrai pas.

C’est en me brossant les dents et en ayant la toile dans mon champ de vision, en oblique, que j’ai enfin su ce que je voulais faire de mes sempiternelles masses. Colorier des masses pour colorier des masses, c’est un peu navrant. Colorier des masses et obtenir un sujet qui me fait penser à Picasso, c’est nettement mieux !

À la droite des naseaux, j’ai appliqué une tache de rouge pour évoquer le sang soit du toréador, soit de la bête, soit les deux, mais ça faisait macabre, trop marqué, trop peu subtil. Alors j’ai appliqué du jaune pour camoufler la surface de rouge, dans un mouvement circulaire qui n’est pas idéal. La tache de sang en haut, à gauche, est plus réussie. Heureusement, je suis capable de vivre avec une tache réussie et une moins réussie.

Je me demande si je devrais créer une imitation de poils dans les oreilles, mais si je me lance là-dedans, faudrait-il que j’imite le poil partout sur la tête de l’animal ? Bien sûr que non, je fais ce que je veux, j’invente, mais je vais continuer d’y penser. Vite fait, ça me semble une mauvaise idée.

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Badouzienne 94

Voici où j’en suis aujourd’hui. J’en suis à avoir fait le contraire de ce que j’ai affirmé hier. J’ai retravaillé la toile surchargée de boucles obtenues avec du vernis à ongles.
– Tiens, tu as fait trois masses, m’a dit mon mari lorsque je lui ai montré la toile tout à l’heure.
Il commence à avoir l’habitude de mon vocabulaire. Il me semble qu’il n’aurait jamais dit ça, « trois masses », lorsque nous nous sommes connus il y a plus de huit ans !
Bien entendu, on peut voir un schtroumpf à gauche avec son bonnet bleu, un oiseau au centre en faisant preuve d’imagination…
Écrivant ces lignes, je me demande si je ne devrais pas ajouter une touche de jaune ou d’orange vif pour égayer/réveiller/énergiser l’ensemble. Mais, prudente, je n’ajouterai rien pour le moment. Hier, la toile a été présentée en mode portrait, la voilà aujourd’hui qui se déploie en mode paysage.

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Badouzienne 93

Idem avec la toile ci-contre. Je ne vois pas ce que je peux lui apporter pour l’améliorer. Pourquoi est-ce que je ressens le besoin de l’améliorer ? Hum. Le vocabulaire me manque. Le premier mot qui me vient est « niaiseuse ». Je trouve cette toile niaiseuse, insignifiante, d’une composition digne d’une enfant de huit ans. Qu’est-ce qu’on y voit, en fait ? Une femme dont la tête est cachée par les nuages, à droite. Elle se tient le bras appuyé sur la hanche. On distingue bien ses pieds chaussés de bottines brun foncé. À ses côtés se devine une espèce de dindon géant. Les deux personnages marchent sur un chemin pavé le long d’une clôture de bois.

Je devrais apprendre, à bientôt 64 ans, à ne pas déprécier autant mes réalisations. Il me semble que je les déprécie pour mieux avancer. Je pourrais tenter d’avancer avec un peu plus d’optimisme et de bienveillance envers moi-même.

Je n’arrive pas à sortir de cette facture picturale fort enfantine, d’une naïveté inouïe. Je pourrais approcher la prochaine toile en tentant d’y aller le plus à fond possible dans la naïveté, cela me ferait peut-être passer à une autre étape. Je pourrais aussi peindre sans espérer un résultat, barioler en masse, installer le désordre et évaluer ensuite si je peux vivre avec le désordre obtenu. Le plus souvent, le besoin d’ordonner prend le dessus, à coup de petites lignes et de masses sages.

Une chose est sûre, j’évalue comme étant inférieure aux autres une toile organisée, propre et gentille, aux couleurs dites de pastel. Je devrais interpréter les choses autrement : cette toile fait partie de mon parcours, elle en est un chaînon, et ce dernier me lie à une autre toile à venir qui va peut-être m’amener ailleurs. Ou encore cette toile est une étude (sur les nuances pastel !). Ou une détente entre deux temps forts, comme on se détend en faisant des sudoku.

Je viens donc de décider aujourd’hui que ces deux toiles ne seront pas retouchées, du moins pas maintenant, contrairement au projet qui m’habitait de les rendre plus attrayantes, moins déficientes. La prochaine toile que je voudrais améliorer est de grand format et couverte d’une grosse grappe de raisins. Je ne pourrai pas m’y mettre demain car je sors rencontrer une amie. Peut-être mardi. Certainement pas mercredi car j’ai un rendez-vous à Joliette pour un traitement en ostéopathie. Le lendemain nous amène déjà au 2 mars. Il ne restera alors que dix-huit jours avant l’arrivée du printemps, survenant le 20 mars cette année semble-t-il. Et le tome III qui attend que je m’y mette avant l’été…

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Badouzienne 92

J’ai cherché vainement une manière d’améliorer cette toile. Il y a d’abord la masse noire longiligne, à droite, qui m’énerve. Elle va peut-être recevoir tout à l’heure, quand j’aurai écrit ce texte, une couche d’une belle couleur taupe. C’est ma couleur préférée, je dirais, le taupe.

La toile a vécu quelque deux ans sur un mur de l’entrée principale de la maison, dans sa version originale sur fond blanc, autrement dit sur le canevas non couvert de couleur. On discernait sur ce fond blanc un foetus, un personnage replié sur lui-même en « petit bonhomme »…

Avant d’aller plus loin, je précise que j’ai fait couler du vernis à ongle sur cette toile. Ce fut le point de départ. Le vernis, juste assez épais, coule en créant sur la toile une belle ligne fine, sans flaque ni éclaboussure. J’ai fait des mouvements de la main pour obtenir que les lignes deviennent des boucles. J’ai utilisé deux ou trois couleurs de vernis. Dans les formes obtenues par le croisement des lignes, et fidèle à mon incontournable habitude, j’ai appliqué de la couleur. Des couleurs de terre, du bleu, du vert, du rouge vin, un rouge rosâtre…

Récemment, j’ai couvert le fond blanc d’une sorte de vert forêt, en incluant les côtés, qui n’apparaissent pas sur la photo. L’ajout de cette couleur dynamise un peu l’ensemble. J’ai aussi pensé que si plus de vert ayant servi à couvrir le fond venait aussi couvrir quelques formes intérieures, j’obtiendrais deux ou trois masses séparées les unes des autres. Cette séparation procurerait peut-être un effet de respiration.

Mais plus j’y pense, plus j’observe, plus je passe devant la toile et plus je cherche, plus je comprends qu’il n’y a rien à faire qui apportera une réelle différence. Je pourrais obtenir peut-être un 21% d’amélioration si je séparais les masses, si je les changeais de couleur, si encore je faisais ressortir une forme quelconque par des lignes de contour. Il est presque toujours possible, selon mon expérience, de faire ressortir un personnage d’un ensemble de masses, et j’entrevois aussi la possibilité d’une botte quand j’observe le bout rose arrondi de la partie inférieure.

J’interprète positivement cette abdication de recherche. J’ai fait ça plusieurs fois, créer une représentation figurative en regroupant, par un trait de contour, quelques masses de leur ensemble. J’ai aussi suspendu plusieurs fois au format portrait une toile que je pensais devoir se lire au format paysage. J’ai fait plusieurs études selon lesquelles j’explorais les gradations de nuances, ou les effets d’un fond pâle et à l’inverse d’un fond foncé.

Il est temps, donc, que je passe à autre chose, que je cesse de porter les mêmes pantoufles confortables. Je pourrais me mettre au pastel sec, j’en ai une boîte non entamée qui n’attend que ma visite. Je pourrais aller vers les matériaux mixtes. Je pourrais consacrer plus de temps à mon Tome III, auquel j’ai quand même nettement amélioré les soixante-dix premières pages. Je pourrais poursuivre l’acrylique en allant au-delà de mon attrait pour les petites masses…

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Badouzienne 91

Avant

Voici l’avant. Nous étions je crois l’été dernier. Je montrais à un ami quelques photos de mes toiles enregistrées sur mon téléphone. Il peint aussi, alors nous partagions quelques-unes de nos nouveautés.
– C’est une représentation de la fée clochettes, avais-je précisé. La vois-tu ? Tu sais, un des personnages des aventures de Peter Pan ?
– Hum… je ne vois pas trop.
– Elle est ici, en noir, avais-je montré du doigt. Elle a des bras et des jambes surdimensionnées.
– Peut-être… En tout cas je te suggère de ne rien ajouter. C’est déjà chargé avec ces papiers imprimés.
– Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter, avais-je répliqué, déplorant intérieurement que la toile ne me plaise pas plus que ça.

Dans ma vaste entreprise récente d’amélioration de mes peintures et de mes textes, j’ai retiré du mur cette version avant et l’ai déposée sur ma table, dans mon bureau. Je me suis tenue devant, plusieurs fois, toujours incapable de trouver une manière de la rendre plus vivante.

Après

Hier soir mercredi, l’idée est venue caresser mon esprit : laisser des coeurs sortir de la bouche de mon personnage, là où s’entrouvrent les lèvres. D’une chose à l’autre, j’ai ajouté un cou, et un chapeau duquel j’ai laissé pendre une fleur. Je n’ai pas du tout réfléchi quant aux couleurs, j’ai pris quelques restants qui étaient sur le point de sécher même s’ils étaient couverts d’un film plastique.

Ce n’est pas la première fois que je verse des restants de couleurs sur une toile en faisant en sorte qu’il se crée une forme circulaire de laquelle je deviens plus ou moins prisonnière. Que faire avec une forme circulaire refermée sur elle-même ? Un arrière-plan qui imite une tapisserie, un quelconque imprimé ?

J’aime que la tête soit dorénavant assortie d’un cou, et j’aime que le chapeau, sa fleur et les coeurs viennent égayer l’ensemble. Je pourrais toujours ajouter d’autres coeurs, mais cela ne me semble pas nécessaire. Je ne sais pas si je désire intituler ma toile Valentin, ou Le langage du coeur, ou La fée clochettes qui est toujours là, intacte.

Je constate, une fois de plus, que la touche Longpré réside dans des apports enfantins, naïfs, colorés.

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Badouzienne 90

Me voilà une fois de plus à la croisée des chemins. Dois-je poursuivre la correction de mon vaste projet d’écriture et donner naissance au Tome III sur lequel je travaille depuis quelque temps ? Ou tout laisser tomber pour ne plus macérer dans le passé ? Parallèlement, dois-je laisser telles quelles, même si elles ne me plaisent pas, les toiles qui ornent mes murs, ou ne devrais-je pas tenter de les améliorer ? J’ai la grippe, je n’ai pas de force, d’entrain, de résistance, alors la tentation de tout envoyer promener est bien réelle.

Il y a deux manières d’aborder mon problème : 1. je me consacre à donner de la valeur à ce qui n’en a pas, aussi bien sur le plan de l’écriture que de ma peinture, avant d’envisager de nouvelles créations. 2. je ne me préoccupe pas de la valeur des créations passées et je continue, je vais de l’avant, je vis dans le présent. Choisir l’option 2 exige beaucoup de détachement et me semble synonyme d’amour de soi : je ne me flagelle pas, c’est fait c’est fait, je continue mon trajet sur terre en aimant la personne que je suis.

L’aspect le plus troublant du choix 1 est le vertige : je tombe des nues quand je découvre à quel point ce que j’ai écrit est nul. Je tombe des nues pour avoir cru, dur comme fer, que ce que j’avais écrit était bon. Comment ai-je pu me tromper à ce point-là ? Ai-je inventé cette appréciation positive parce que sans elle j’aurais sombré ? Quand je me disais, par exemple, lors d’événements difficiles s’accumulant, « heureusement que j’écris et qu’écrire me rend vivante », est-ce que je m’enveloppais de la cape du mensonge ?

En tout cas. La découverte du corpus avec lequel j’allais devoir créer le Tome I, la découverte du corpus avec lequel j’ai créé le Tome II, et la découverte actuelle du corpus du Tome III sont des épreuves. Or, je dois aussi exprimer ceci : j’ai réussi à améliorer le corpus I, puis le corpus II, et j’en savoure la fraîcheur lorsqu’il m’arrive d’en lire quelques pages. Ne pas avoir persévéré, ne pas avoir reçu l’aide de Ludo, je me serais privée de ces deux réalisations dont aujourd’hui je suis fière.

Le Tome III comptera seulement 175 pages, incluant des photos, c’est dire à quel point il sera maigre comparativement aux deux premiers. J’essaie de le badigeonner d’un peu de graisse en insérant des nouveaux textes, ici et là, mais cela ne me fera pas même atteindre les 200 pages. Comme je l’ai déjà expliqué, chaque tome regroupe les textes écrits en une année. Quelle est la surprise qui m’attend à la lecture du tome IV ? Vais-je finir par m’habituer à tomber des nues ? Vais-je tomber sur une année moins poche qui nécessitera moins de travail ? Il me semble que la dernière année d’écriture, celle qui me voit avoir neuf ans de textes derrière la cravate, est peut-être un peu plus aboutie. Au rythme où vont les choses, j’aurai 70 ans au moment de m’y mettre…

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Badouzienne 89

Certes, mon vase est très appuyé. C’est un vase qui s’affirme sans y aller par quatre chemins. Pour être certaine de ne pas le rater, je l’ai dessiné sur une grande feuille de papier, comme je l’ai écrit précédemment. Un peintre expérimenté aurait travaillé directement sur la toile, bien entendu.

Pour garnir le vase –je saute ici beaucoup d’étapes !–, je ne voulais pas me lancer dans un travail de minutie, dans une accumulation de craquelures fines imitant la mosaïque, ou encore de feuilles et autres verdures aux nervures délicates. Je me suis dit que j’allais m’en tenir à l’essentiel, à savoir des lignes simples.

Après avoir essayé plusieurs pinceaux fins qui ne me satisfaisaient pas, j’ai opté pour un pinceau un peu plus court et large qui a entraîné la création d’une sorte de feuille à la Matisse –là où apparaissent des pastilles jaunes. Des épis d’herbe se donnent à lire immédiatement en-dessous, dans une espèce d’effet miroir que suggère la ligne de traits jaunes. La partie la plus large du vase regroupe quelques lignes courbes. Et la base est assurée par des lignes jaunes surmontées de billes vert foncé.

Pour l’instant, je vis avec ce résultat, qui me satisfait quand même davantage que l’espèce de vase antérieur qui était écrasé par deux rosaces surdimensionnées. J’espère ne pas me mettre à penser que mon vase manque d’amour et qu’il aurait besoin de certains effets mélioratifs ici, et là…

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