Me voilà une fois de plus à la croisée des chemins. Dois-je poursuivre la correction de mon vaste projet d’écriture et donner naissance au Tome III sur lequel je travaille depuis quelque temps ? Ou tout laisser tomber pour ne plus macérer dans le passé ? Parallèlement, dois-je laisser telles quelles, même si elles ne me plaisent pas, les toiles qui ornent mes murs, ou ne devrais-je pas tenter de les améliorer ? J’ai la grippe, je n’ai pas de force, d’entrain, de résistance, alors la tentation de tout envoyer promener est bien réelle.
Il y a deux manières d’aborder mon problème : 1. je me consacre à donner de la valeur à ce qui n’en a pas, aussi bien sur le plan de l’écriture que de ma peinture, avant d’envisager de nouvelles créations. 2. je ne me préoccupe pas de la valeur des créations passées et je continue, je vais de l’avant, je vis dans le présent. Choisir l’option 2 exige beaucoup de détachement et me semble synonyme d’amour de soi : je ne me flagelle pas, c’est fait c’est fait, je continue mon trajet sur terre en aimant la personne que je suis.
L’aspect le plus troublant du choix 1 est le vertige : je tombe des nues quand je découvre à quel point ce que j’ai écrit est nul. Je tombe des nues pour avoir cru, dur comme fer, que ce que j’avais écrit était bon. Comment ai-je pu me tromper à ce point-là ? Ai-je inventé cette appréciation positive parce que sans elle j’aurais sombré ? Quand je me disais, par exemple, lors d’événements difficiles s’accumulant, « heureusement que j’écris et qu’écrire me rend vivante », est-ce que je m’enveloppais de la cape du mensonge ?
En tout cas. La découverte du corpus avec lequel j’allais devoir créer le Tome I, la découverte du corpus avec lequel j’ai créé le Tome II, et la découverte actuelle du corpus du Tome III sont des épreuves. Or, je dois aussi exprimer ceci : j’ai réussi à améliorer le corpus I, puis le corpus II, et j’en savoure la fraîcheur lorsqu’il m’arrive d’en lire quelques pages. Ne pas avoir persévéré, ne pas avoir reçu l’aide de Ludo, je me serais privée de ces deux réalisations dont aujourd’hui je suis fière.
Le Tome III comptera seulement 175 pages, incluant des photos, c’est dire à quel point il sera maigre comparativement aux deux premiers. J’essaie de le badigeonner d’un peu de graisse en insérant des nouveaux textes, ici et là, mais cela ne me fera pas même atteindre les 200 pages. Comme je l’ai déjà expliqué, chaque tome regroupe les textes écrits en une année. Quelle est la surprise qui m’attend à la lecture du tome IV ? Vais-je finir par m’habituer à tomber des nues ? Vais-je tomber sur une année moins poche qui nécessitera moins de travail ? Il me semble que la dernière année d’écriture, celle qui me voit avoir neuf ans de textes derrière la cravate, est peut-être un peu plus aboutie. Au rythme où vont les choses, j’aurai 70 ans au moment de m’y mettre…