N’oublions pas que l’histoire m’a été racontée dans les années 1970 et qu’à l’époque on ne connaissait pas ça, les téléphones cellulaires…
– Il marche, il marche, poursuit le raconteur conducteur. Il continue d’envisager mille scénarios. Si le propriétaire de la maison où il se rend est chez lui, se permettra-t-il de lui demander de le conduire directement auprès de sa femme ? Mais comment alors la conduire à l’hôpital, ayant laissé dans le champ son véhicule embourbé ? Un véhicule embourbé se fait-il remorquer sans que le propriétaire en ait fait la demande, si une remorqueuse passe –miraculeusement– dans les environs ? Et à ce moment-là, où s’en va le véhicule remorqué, dans quel garage, et comment en est-on informé ? Non, le mieux, se ravise l’homme qui marche, c’est la bonne vieille pelle, on l’emprunte, on retourne au véhicule, on pellette, on revient porter la pelle, on rentre à la maison, on récupère un peu si chérie n’est pas en contractions… Et cette neige qui n’arrête pas de tomber ! Le voilà enfin qui arrive, plutôt transi, il pénètre dans la cour et se dirige vers la porte de la maison pour sonner.
– N’oublions pas, me rappelle le raconteur conducteur comme pour me prévenir, que notre homme a tourné la situation dans tous les sens, dans sa tête.
– Et alors ?, avais-je demandé.
– Alors, pensant à sa femme qui est peut-être en travail et déjà souffrante, pensant à la neige qui tombe de plus en plus rendant la circulation périlleuse, pensant à la pelle –sera-t-elle vieille, rouillée et lourde, ou alors neuve, en aluminium, et légère ?–, pensant à son véhicule pour lequel il n’a pas encore fait le changement d’huile parce qu’il n’en a pas eu le temps, pensant au froid qui maintenant le fait claquer des dents, pensant aux remorqueuses de façon générale –combien coûte un dépannage ? est-il vrai que ce milieu est infiltré par la mafia ?–, pensant à l’effort nécessaire pour retourner à son véhicule si le propriétaire de la maison devait se montrer peu enclin à aider, pensant qu’il existe des gens peu enclins à aider et d’autres qui aident tellement que ça nous étouffe, n’en pouvant plus, l’homme dont la voiture a pris le champ a eu l’immense surprise d’entendre ces mots sortir de sa bouche, lorsque le propriétaire de la maison, bien au chaud, légèrement vêtu, est venu, souriant, lui ouvrir la porte :
– Allez donc tous chier !
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