Jour 389

La dame au Tim Hortons m’a demandé si je voulais faire un don de deux dollars pour les enfants.
– Euh… ça dépend lesquels…, ai-je balbutié.
Il faut dire que la question n’était pas très clairement formulée.
– C’est pour les camps d’été, pour les enfants de familles défavorisées, a répondu la dame.
Comme j’étais en train de rire de ma réponse, je n’ai que partiellement entendu son explication. Mon mari, qui est au courant de tout, savait que le 5 juin est jour de collecte de fonds pour lesdits camps, depuis des années. Toujours est-il que j’ai donné le deux dollars en question et qu’en retour la dame m’a donné un bracelet qui ne se porte pas, ou alors il doit être porté par un enfant car il est très étroit et ne s’ajuste pas.
Nous étions sur la route en direction de Montréal où nous sommes allés réparer une sécheuse chez les locataires. J’aime bien faire la route en sirotant un café. Le nous, ici, est bien sûr excessif, c’est mon mari qui s’est occupé de tout. Moi j’étais responsable d’aller à la quincaillerie acheter des morceaux dont je ne saurais même pas dire le nom. Je me suis contentée de montrer la pièce usagée au quincaillier, qui m’a donné l’équivalent en neuf. Pour une des pièces il s’est présenté un problème de format, je suis donc retournée en chercher une plus grande. C’était amusant, marcher sur la rue Monkland. Ça l’était moins pour mon mari qui devait se contorsionner, étendu sur le carrelage, pour installer les pièces derrière la cuvette dans une des salles de bain. Car il n’y avait pas qu’un problème de sécheuse. Il y avait aussi un problème de chasse d’eau et un problème de ventilation.
Lors de mon premier déplacement sur la rue commerçante, je me suis aventurée jusqu’à la pâtisserie de Nancy où j’ai acheté des madeleines exquises. Je suis fière de moi car je n’ai pas mangé le sac au complet, mais seulement la moitié, donc trois madeleines sur six. J’ai réservé les autres pour Denauzier. Lors du deuxième déplacement, j’ai rencontré une ancienne voisine. Sa voiture était mal garée, et pour ma part mon mari attendait après la pièce, alors on a brossé en très très général le portrait de nos vies et conclu que nous allions bien toutes les deux. Enfin, à ma troisième visite sur la rue Monkland, sachant que mon mari n’attendait plus après moi, je me suis permis de marcher plus lentement et de replonger dans le passé. Je reconnaissais des gens pour les avoir croisés des dizaines de fois autrefois, sans savoir qui ils sont, et je constatais qu’ils avaient maintenant les cheveux blancs, ou un indice de masse corporelle plus élevé. Je voyais aussi des mamans avancer avec leur poussette –et l’enfant dedans–, me rappelant presque distraitement que j’étais aussi passée par là, il y a plus de vingt ans. J’ai vécu mon retour dans le passé avec détachement. Je me suis permis de traîner quelques secondes devant les plantes du fleuriste, et de longer la vitrine de Zone en marchant très lentement. Puis je suis revenue à cette maison que je n’habite plus rejoindre mon mari.

À propos de Badouz

Certains prononcent Badouze, mais je prononce Badou. C'est un surnom qui m'a été donné par un être cher, quand je vivais en France.
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