Jour 726

Étiq & C-Etiq Coq d'or USA RoséJe me demande si c’est normal. Je me demande toujours, de toute façon, si c’est normal ma manière d’être et de me comporter.
Certains diraient que je vis dans le passé. Est-ce que vivre dans le passé signifie que le présent ne nous satisfait pas ? Ou est-ce que l’attraction qu’exerce le passé sur moi s’explique par le besoin de vouloir réparer toutes les bêtises que j’ai faites, bêtises étant ici un mot poli qui ne peut pas exprimer plus mal la honte qui m’habite d’avoir fait ceci ou cela, étant jeune et moins jeune ?
J’exprimerai un jour –je ne perds pas espoir– un réel amour pour ma personne quand j’arrêterai de vivre dans la culpabilité et que j’assumerai, sans flagellation aucune, les mauvais choix qui ont jalonné mon parcours sur la terre.
Voilà une bien mauvaise entrée en matière, toujours est-il, pour le sujet que je veux aborder aujourd’hui qui n’est teinté que de positif : j’ai retrouvé –plongée dans le passé– une amie qui m’est chère. Une amie que j’ai connue lors de mon séjour à Aix-en-Provence et à Paris à la fin des années 80.
– Une Québécoise habite aussi le complexe, à l’aile sud, m’avait dit la concierge lorsque je m’y étais enregistrée comme locataire pour y habiter.
J’avais remercié la concierge en me disant que c’était bien la dernière chose dont j’avais envie, fréquenter une Québecoise, alors que je m’étais dépaysée pour explorer la nouveauté. Au terme de quelques semaines d’exploration de la nouveauté, cependant, j’étais allée sonner au cinquième étage de l’aile sud. Je ressentais le besoin de vibrer auprès d’une personne qui allait comprendre le fonctionnement de mes vibrations ! Une belle femme blonde était venue entrouvrir sa porte, et l’avait ouverte au complet une fois sortis, porteurs de mon accent, les premiers mots de ma bouche.
Formée à l’Université Laval, elle venait à Aix parfaire ses connaissances en linguistique, au troisième cycle. De Laval également, je me retrouvais à Aix pour des études en création littéraire au deuxième cycle. Blondes toutes les deux. Trois années nous séparent en âge. La vie a passé, je l’ai rencontrée à Québec de rares fois au début de nos vies professionnelles, puis aucune fois ces vingt dernières années.
Mais voilà, nous sommes maintenant toutes les deux retraitées ! Nous nous sommes donné rendez-vous en janvier.
Le même sentiment m’habite d’exprimer plus qu’avant mon attachement aux membres de ma famille. Je pense que c’est en grande partie parce que les rejetons que nous sommes de ma génération prenons inexorablement la place des rares irréductibles de la génération précédente. Du côté de ma mère, par exemple, frères et sœurs sont tous décédés. Je veux profiter des êtres qui croisent ma route pendant que nous en sommes encore capables, comprendre pendant que nous sommes encore vivants.
– On devrait se prendre un petit Pineau, ai-je suggéré hier à tantine pour accompagner notre partie de Chromino, au beau milieu de l’après-midi.
– Est-ce que j’en ai ?, a répondu tantine.
– On va regarder, ai-je répondu en ouvrant déjà les portes de son garde-manger.
Nous en avons trouvé, nous nous en sommes versé une belle rasade avec des glaçons et nous sommes installées à la table pour jouer.
– On porte un toast ?, a demandé tantine.
– Certainement. À la vie ! À l’amour ! À nous deux !
Nous avons avalé notre première gorgée en nous regardant malicieusement, et en frissonnant de plaisir tellement c’était bon.

À propos de Badouz

Certains prononcent Badouze, mais je prononce Badou. C'est un surnom qui m'a été donné par un être cher, quand je vivais en France.
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Une réponse à Jour 726

  1. Jacques Richer dit :

    :O)

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