Je n’arrive pas à cerner ce que fait Lilah dans sa chambre à l’hôtel Savanah. Ça fait plusieurs jours que ça me chicote. Tant que je ne l’aurai pas trouvé, je ne pourrai pas commencer ma nouvelle, la troisième du recueil La zébresse – vingt ans plus tard. Nous sommes en Afrique. Si Lilah se sent comme je me sens à cette période de ma vie, elle se pose mille questions en braillant, elle n’avance pas d’un pas, elle tergiverse par rapport à sa maudite voie. Pourtant, elle vient de parcourir un sacré bout de chemin en avion, de Montréal à Gaborone, la capitale du Botswana. Il ne faudrait pas qu’elle ait voyagé toute cette distance pour s’enfermer dans sa chambre.
Elle n’y est pas, dans sa chambre. La préposée à l’entretien en arrive et me confirme ne pas l’avoir vue. Je suis pour ma part dans le hall de l’établissement, au comptoir des enregistrements. À part tenter de me changer les idées, je me demande, je l’avoue, ce que je fais là.
– Mais le lit était défait et les serviettes encore humides, ajoute la préposée, comme si elle me prenait pour une détective.
Tant mieux, d’une certaine manière, si Lilah est sortie. Elle est moins susceptible de se ronger les sangs dans le brouhaha de la ville que toute seule devant son ordinateur portable. Tant qu’à me faire prendre pour une détective, je demande à la dame en boubou :
– Avez-vous remarqué si son ordinateur est resté dans la chambre ?
– Oui. Je l’ai remarqué parce qu’il émet un petit son dérangeant, comme un sifflement.
Ça aussi, c’est une bonne nouvelle. C’est le signe qu’elle n’est pas partie pour longtemps.
– Tant pis pour moi, je vais l’attendre, me suis-je dit en m’éloignant du comptoir pour me laisser tomber, quelques mètres plus loin, sur un fauteuil mi-fauteuil, justement, mi gros pouf.
Préposée à l’entretien, quelle triste manière de désigner les femmes en boubou qui font le ménage des chambres en se parlant super fort et en riant comme des bonnes.
– Vous dites ?, me demande une cliente de l’hôtel, installée elle aussi sur un pouf.
Je l’ai regardée d’un air effaré. Suis-je rendue à ce point déconnectée que je parle tout fort, pensant parler tout bas ?
– Je me présente, ajoute-t-elle avant que je n’aie encore ouvert la bouche. Lilah Morrisson. Je m’ennuyais dans ma chambre, alors je suis venue m’asseoir ici en espérant rencontrer des gens. Prendriez-vous un café ?, a-t-elle ajouté, enjouée, sûre d’elle, pendant que je mesurais à quel point ma nouvelle n’est pas près de s’écrire.
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